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Violences sexuelles et sexistes : le déni organisé du secteur des colos

Chapo
Pour le pédagogue Jean-Michel Bocquet, l'initiative #MeTooAnimation doit être une chance à saisir pour changer le modèle pédagogique des "colonies de vacances". Face à ce sujet à la fois sensible et crucial, nous avons choisi de publier ici un long article où il développe son analyse et sa pensée. Comme un moyen d'alimenter la réflexion et de faire bouger les lignes.
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Un article de La Croix publié le 13 août est titré #MeTooAnimation, le mouvement qui interroge la sécurité des colos, il est l’un des nombreux articles qui relaient l’initiative d’Anissa, influenceuse sur TikTok [puis sur Instagram] qui dénonce les actes pédocriminels dans l’animation. À la suite de son appel, elle crée une pétition qui est signée par plus 50 000 personnes et interroge le secteur sur ce qu’il fait et comment il le fait.

L’article de La Croix rédigé par Emmanuelle Lucas, journaliste au service société, est en tout point intéressant pour se rendre compte du déni et du refus de travailler en profondeur la question de la pédocriminalité dans les colonies de vacances.

Je vais donc reprendre cet article pour expliquer et montrer que malgré les propos de circonstance, les questions de fond ne sont pas abordées et la manière de problématiser la pédocriminalité en colo affiche clairement le refus de vouloir analyser ce qui se passe dans les colos.

Cet article de La Croix est d’autant plus révélateur du problème que le journal a traité avec force et engagement la question de la pédocriminalité dans l’église, a publié un travail fait par le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) sur le sujet et a accompagné l’Église de France à regarder les faits pédocriminels comme des faits systémiques. Ce que La Croix a su faire avec l’Eglise n’est-il pas possible avec les colos ?

Mon analyse va se faire autour de deux éléments majeurs :

  • des éléments de discours soit journalistiques, soit donnés par les personnes interrogées ;
  • une explication de fond sur la forme pédagogique qui est mise en œuvre dans les colos et qui explique que les actes pédocriminels dénoncés par Anissa soient systémiques, que la manière de faire colo se construit sur des normes et outils pédagogiques centrés sur l’adulte et plus précisément sur l’animateur masculin cisgenre charismatique.

 

La pétition #MeTooAnimation a recueilli plus de 54000 signatures.

"Un secteur engagé de longue date contre ce fléau…"

Cette phrase est écrite dans le chapeau de l’article, il est vrai que les colos sont particulièrement contrôlées. Le système de vérification des casiers judiciaires et des interdictions d’exercer administratives est efficace et puissant, mais il ne concerne que les personnels d’animation sous contrat et pas les personnels techniques, ni les encadrants, ni les bénévoles, ni les aides-animateur·ices mineur·es. [ajout du 10 septembre 2022 : Plusieurs lecteurs (notamment des inspecteurs J&S) ont pointé une erreur sur l’obligation de déclarer, je précise donc mon propos. Effectivement, l’ensemble des personnes qui prennent part à un ACM devraient être déclarées dans Siam/Tam (logiciel de déclaration) mais dans les faits, seuls les membres des équipes d’animation s’y retrouvent de manière obligatoire, notamment parce que les quotas de Bafa, les diplômes sont vérifiés par les services de Jeunesse et Sports et conditionnent l’ouverture de l’ACM. Depuis plus 20 ans, je n’ai jamais vécu, vu ou lu de contrôle pointant cette faille.]

Cette vérification se fait via le système de déclaration numérique, pour qui est dans l’obligation de déclarer un accueil de mineurs. Les trous dans la raquette sont grands, là où pour d’autres secteurs, comme le sport ou le tourisme, ils sont énormes.

Cette vérification systématique est efficace pour les personnes qui ont été condamnées ou qui sont en cours d’instruction, il est totalement inefficace pour tous les autres. Ce système ne fonctionne que pour les structures qui se déclarent en accueils collectifs de mineurs, il ne l’est pas pour tous les autres espaces de loisirs des enfants qui ne sont pas sujet à déclaration obligatoire.

À propos de la sécurité et des violences sexuelles, Louise Fénelon de l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT) (1) ajoute que le secteur des colos serait "précurseur de la lutte contre les violences sexuelles depuis 20 ans". Je ne sais sur quoi se base l’UNAT pour affirmer un tel constat.

Une rapide recherche montre que la question des violences sexuelles n’a donné lieu à des documents officiels de prévention qu’à partir d’avril 2019 via un guide à destination des animateur·ices sur l’accompagnement à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Ce guide fait suite à l’ajout, via l’arrêté du 17 janvier 2012, de nouvelles missions pour les animateur·ices : ils devront être capables de sensibiliser les jeunes aux risques liés aux conduites addictives, aux risques liés aux pratiques sexuelles. À ce guide s’ajoute, celui édité par le syndicat employeur Hexopée en juillet 2022, sur la gestion des situations de crise, ce guide est une réponse au #MeTooAnimation.

Au-delà de ces éléments particulièrement récents, il est bien difficile de trouver des travaux sur le sujet des violences sexuelles dans les lieux de loisirs enfantins (2). On ne sait donc de quoi le secteur est précurseur ? S’il l’est, il ne l’est que sur la procédure de contrôle construit et mise en œuvre par et avec l’État, il ne l’est en aucun cas sur l’information, la prévention ou la formation des personnels.

On peut ajouter que le contrôle automatisé de chaque personnel présent sur la déclaration de séjour s’est mis en place pour rassurer les parents à la suite de nombreuses affaires pédocriminelles qui se sont passées dans les colos dans les années 1980-90. Cette vérification s’est construite dans un contexte où il fallait apporter une réponse à l’effondrement du nombre de départ en colo, le discours officiel étant : les colos sont sures, vous pouvez y inscrire vos enfants.

(1) Louise Fénelon y est responsable de la Commission Vacances Enfants Ados.
(2) Les deux seuls textes qui existent sur les questions de pédocriminalité dans les colos sont deux textes de Yves Raibaud. L’un est publié dans la revue de la FOEVEN en 2017. L’autre est dans la bibliographie ci-dessous.

"Dans une activité où la proximité va de soi (…), le risque de dérapages est sans doute plus fort que dans d’autres secteurs."

Le dérapage ? Une violence sexuelle n’est pas un dérapage. Le choix de ce mot dans l'article de La Croix est particulièrement incroyable.

Lors d’une agression sexuelle, il n’y a pas de dérapage, il y a un acte conscient et délibéré de l’agresseur. Même à 17 ans, un jeune animateur sait que ce qu’il va faire est un crime ou un délit, qu’il n’est ni dans son rôle, ni dans le "dérapage". Le terme laisse croire qu’une violence sexuelle peut être un geste maladroit ou involontaire, que tout un chacun peut se retrouver dans une situation qui pourrait l’amener à commettre une violence sexuelle.

Il n’en est évidemment rien.

Commettre une violence sexuelle est un acte délibéré, dont chacun connaît la conséquence… sauf si la structure encadrante l’autorise de manière directe ou indirecte (par le silence, la minimisation ou l’injonction paradoxale).

Pendant des années, j’ai entendu en formation (Bafa, Bafd mais aussi du travail social) : "Attention à ce que vous faites, parfois des enfants mentent et vont vous accuser, donc n’ayez aucun geste ambigu…" Il s’agissait alors de refuser de prendre des enfants sur les genoux, de rejeter tout contact physique, de ne pas jamais être seul dans une pièce avec un enfant, etc. au risque de déraper… En colo, le dérapage serait plus facile. Ce qui est en fait plus fort en colo, c’est la dynamique de groupe, ce sont les relations fortes qui se nouent très vite et qui se dénouent, d’ailleurs très vite aussi, c’est l’absence de formation et une organisation systémique qui encourage la sexualisation des relations.

Ce qui est plus fort, c’est l’incapacité du secteur à travailler sur la distinction fondamentale entre prendre soin d’un enfant et avoir des comportements déviants, à commettre des violences sexuelles. Dit comme cela, ça paraît simple et, en même temps, effrayant que dans les formations pour être animateur·ice de colos, cette distinction ne soit pas faite.

Quelques éléments sont pourtant simples et particulièrement importants à énoncer : rappeler qu’en colo, aucun adulte ne peut commettre de violences (physiques, sexuelles ou verbales) sur un enfant, que chacun à droit à son intimité à tout moment, qu’il existera toujours quelqu’un pour écouter s’il y a eu un problème, que l’enfant sera cru et que chaque animateur·ice doit demander l’autorisation à chaque enfant pour entrer dans un lieu d’intimité à tout moment.

Photo ©Estelle Perdu

En colo, aucun adulte ne peut commettre de violences sur un enfant.

Ces quelques points devraient être dits dès l’arrivée, écrits dans le règlement intérieur et contractualisés avec les parents, les enfants et l’ensemble de l’équipe à l’inscription.

Classiquement en colo, le règlement se résume à des interdits pour les enfants, énoncés sous forme de règles rigides fixes et identiques pour tous. Rappeler avec force ce qui est interdit pour l’ensemble des adultes et ce qui est demandé à l’équipe, est pourtant fondamental pour faire de la colo un espace sûr pour chaque enfant.

Ne pas le faire revient à ne pas prendre soin des enfants qui sont confiés à la colo.

Il n’y a pas de "dérapage" entre prendre soin et violenter, il n’y a que le refus de penser l’autre comme une personne ayant des émotions, des sentiments et en capacité de dire ce qu’elle pense bonne pour elle ou réduire uniquement l’enfant à un statut de consommateur d’activités.

Ouvrir un article sur le fait (journalistique) que la proximité peut entraîner un "dérapage" sexuel sur un enfant, légitime le fait que les violences sexuelles existent et peuvent se produire sans être pour autant des actes criminels.

"Ça arrive parfois et alors, bien sûr…"

Yann Renault, délégué général adjoint des Francas, dit cette phrase en parlant des informations qu’un organiseur reçoit de "Jeunesse et Sports" lorsqu’il a recruté une personne interdite d’exercer.

"Ça arrive parfois et alors…", comme une évidence, on lui explique "qu’elle ne part pas sur le séjour". La personne ne part pas, mais elle est passée à l’acte avant. Cette forme de raisonnement protège l’organisateur mais pas les enfants.

Comme le signale justement, David Cluzeau, le délégué général d’Hexopée, "il peut y avoir des nouveaux qui passent à l’acte la première fois en colo".

Interdire l’accès des accueils collectifs de mineurs aux pédocriminels déjà repérés semblent être une évidence, mais n’évite aucunement le danger qu’un animateur ou une animatrice commette des faits de violences sexuelles ou sexistes en colo.

Les violences sexistes n’entrent d’ailleurs pas dans les contrôles puisqu’elles ne sont que très rarement condamnées et jamais avec des interdictions d’exercer.

Là encore, ce qui est dit par l’organisateur à ses équipes est central : qu’est-ce qui est écrit dans les livrets d’accueil (quand il y en a) des personnels ? Quelles obligations sont formalisées dans les contrats de travail ou les règlements intérieurs ? Quel discours est tenu aux enfants à leur arrivée, sur le rôle des animateurs, sur les espaces de l’intime, sur les relations avec l’équipe ? Qu’en dit le projet pédagogique du séjour ? Au cours de mes recherches et des éléments accessibles sur internet (projet éducatifs et règlements intérieurs), hormis le rappel du fait que toute relation sexuelle est interdite pour les enfants et ados en séjour, rien n’apparaît.

"Ça arrive parfois", mais penser une colo devrait rendre obligatoire un travail pédagogique pour que les violences n’arrivent pas, pour que la colo soit une institution safe. C’est-à-dire un espace dans lequel l’équipe prend soin des enfants et dans lequel chaque enfant peut vivre de manière rassurée sur le fait que son intégrité, ses envies, sa parole et sa singularité seront respectés.

Un espace physique et psychique où chaque enfant trouvera toujours un endroit pour exprimer, dessiner, crier ou montrer les difficultés rencontrées, un lieu où l’équipe travaille au fait que si une personne est déviante elle ne pourra pas passer à l’acte, où la direction est formée à ce qu’est prendre soin des enfants…

Une colo doit se penser comme une institution du care bien plus que comme une institution éducative. Il ne s’agit pas d’apprendre aux enfants les risques, à se défendre ou les bonnes manières, il s’agit de faire vivre aux enfants un temps où ils savent qu’ils peuvent grandir avec de l’attention et de la sérénité. Dans une institution du care, il est impossible d’étouffer ou de passer sous silence les violences commises par l’un de membres de l’institution.

"Il n’est pas question d’avoir des relations personnelles avec des jeunes dans le cadre du séjour, du début à la fin de celui-ci."

C’est ce que les animateur·ices entendent en formation de la part de Louise Fénelon de l’UNAT.

Et après ? Dire qu’aucune relation n’est possible du début à la fin, autorise en creux les relations personnelles après. Ce propos légitime le fait de collecter les numéros de téléphone, les adresses TikTok, instagram, etc. et de maintenir des liens construits en colo avec des jeunes sur lesquels l’animateur·ice a eu autorité. Rien dans la loi ne l’interdit, mais là encore qu’est ce qui est dit par les organisateurs et les formateur·ices Bafa ? Pendant la colo tout est interdit et après c’est open-bar ?

Dans quelle mesure les relations tissées en colo méritent-elles de se prolonger après le séjour ?

La colo, à la grande différence des mouvements de jeunesse, est un temps court et sans lendemain.

Dans les mouvements de jeunesse, les encadrants restent encadrants au retour du camp, la zone grise est moins grande, mais elle existe (le rapport du MRJC le démontre très précisément pour les relations entre encadrants). Mais dans une colo, qu’est-ce qui justifie qu’un adulte reste en relation avec un ou une ado ? Que des ados entre eux restent ami·e·s, c’est une décision commune des ados eux-mêmes (faut-il tout de même vérifier les consentements), mais pourquoi l’animateur·ice cherche-t-il ou elle à rester en relation ? S’il y a des éléments à suivre, alors l’organisateur doit jouer son rôle de tiers, de garant de la relation entre adulte et ado.

À défaut, le rôle de l’animateur·ice est d’animer durant la durée du séjour, il ne peut, ne doit pas rester en contact. Combien de fois ai-je vu et accompagné des animateur·ices qui étaient resté·e·s en contact pour aider et qui se sont retrouvé·e·s pris au piège dans des relations complexes, n’arrivant à s’en extraire et les conduisant parfois à devoir dénoncer des faits graves sans tiers, sans témoins, sans avis.

Ce type de relation de suite ne conduit qu’à la violence d’une transmission sans accord ou du silence qui enfouit.

Interdire pendant et autoriser après (par le silence), protège encore une fois l’organisateur mais pas les enfants.

Photo © Estelle Perdu

Les animateurs n'ont pas à rester en contact avec les enfants après la colo.

Ces zones grises doivent être travaillées et échangées, elles ne peuvent exister comme elles existent aujourd’hui, comme des zones où personne n’est responsable de rien et où les organisateurs laissent des ados ou des enfants seul·e·s face à de jeunes adultes mal formés, sans cadre réglementaire alors que ce sont eux qui ont organisé la rencontre.

Depuis longtemps, j’affirme que la colo, comme une parenthèse dans la vie de l’enfant sans avant et sans après, est un leurre dangereux pour les enfants, que les organisateurs qui pensent la colo comme un temps à part de consommation vendue sur catalogue mettent les enfants notamment les plus fragiles en danger.

Une colo ne doit pas être un temps éducatif sans continuité relationnelle organisée.

Comme je viens de le montrer, cet article de La Croix survole la question de la pédocriminalité dans les colos.

Il n’essaie ni de comprendre pourquoi la TikTokeuse a obtenu 400 témoignages, ni pourquoi la question de la pédocriminalité dans les colos existe depuis plusieurs décennies, ni pourquoi les acteurs interrogés ne font aucune analyse sur ce qui est mis en œuvre dans les colos, c’est-à-dire la forme pédagogique, que Jean Houssaye a appelée le modèle colonial.

Modèle colonial

Cette forme pédagogique est ultra-majoritaire dans les colos.

C’est une forme qui s’est construite dans les années 1950 et qui s’est stabilisée dans les années 1970. Le modèle colonial s’appuie, dès les années 1950, sur l’idée que "le loisir est devenu le moyen de satisfaire les besoins les plus fondamentaux" (3) des enfants.

Dit autrement, le loisir des enfants doit permettre de répondre à tous leurs besoins. La colo en particulier va devenir un lieu d’éducation où l’adulte encadrant est en capacité de tout prévoir et penser, hors de la présence des enfants ou ados, une institution totalement construite pour leur bien.

Le modèle colonial s’appuie sur la science (psychologie générale et sociale, sociologie, psychopédagogie, etc.) pour se développer puis se structurer.

C’est au nom de la psychopédagogie que la colo est éducative et que le modèle se fige. La "colo coloniale" s’organise concrètement avec les éléments suivants :

  • le jeu est éducatif, l’enfant apprend par le jeu et l’activité. Dans le modèle colonial, le jeu est une activité pensée et dirigée par les adultes ;
  • les journées sont organisées sur la succession de temps pensée pour l’enfant et permettant une gestion de ces temps en petits groupes d’âge et de sexe ou en grand groupe uniforme ;
  • l’adulte est central, tout passe par lui : les règles, la vie quotidienne, les activités, les temps, même, libres. Pour se faire, l’adulte dispose de trois outils : le projet pédagogique (rédigé avant le début du séjour), le planning qui traduit la succession des temps d’activités et de vie quotidienne et les règles de vie ;
  • la colo est normée ;
  • la colo coupe les enfants de leur milieu ordinaire de vie. Les parents sont mis à l’écart, parfois les frères et sœurs, les groupes sociaux ;
  • la colo est structurée par les activités, les thèmes et le planning. Les enfants sont amenés à choisir des activités à la carte construites par les animateurs, ils ne décident de rien. Ils ne sont jamais associés à la gestion des règles de vie ou à la définition des activités ;
  • la colo s’appuie sur des pédagogies traditionnelles de forme scolaire.

Dans le modèle colonial,  on va dans un premier temps utiliser la théorie des besoins comme outil permettant aux adultes de décider de tout : tout est besoin, et l’adulte connaît les besoins. Il doit être capable d’organiser pour l’autre (enfant, ado) sans jamais l’avoir rencontré.

À partir des années 1970, la pédagogie par objectifs va faire entrer la méthodologie de projet comme outil de gestion des colos ou des centres de loisirs. La méthodologie de projet structure aujourd’hui toute la pensée éducative des directeur·ices et animateur·ices.

Un jeu doit avoir des objectifs éducatifs pour pouvoir être organisé, la succession des temps construit des progressions qui permettent de répondre aux objectifs. Lorsque des situations posent problème dans une colo, le projet permet de gérer et de rappeler les objectifs fixés. Parce qu’il est appuyé par la théorie des besoins, le projet ne se trompe pas, ce sont les enfants qui ne peuvent atteindre les objectifs.

Dans le modèle colonial, la figure centrale de la colo est l’animateur homme, cisgenre, drôle, sportif et charismatique, autrement appelé mono.

L’animateur charismatique gère et joue de son aura pour "cadrer" son groupe. Il renvoie à une idée naturalisante que l’homme détient l’autorité, là où les femmes sont renvoyées à tout ce qui n’est pas l’activité, le jeu et le cadrage. Ainsi les animatrices se retrouvent en charge des tâches de la vie quotidienne : cuisine, linge, rangement, toilettes des enfants, soin des bobos, etc. Le modèle s’appuie donc toujours et encore sur l’idée que les femmes maternent.

Cet animateur charismatique devient rapidement le modèle pour les enfants et les jeunes, tout passe par lui, il autorise, permet de contourner les règles, fait rire, devient copain, ami ou confident. Il séduit. Il séduit les jeunes, les enfants mais aussi le reste de l’équipe, les stagiaires, il est le second de la direction, il agit en toute puissance dans une colo qui est un lieu fermé, coupé du monde et où les relations humaines sont amplifiées. Les formations Bafa/d renforcent, pour beaucoup d’entre elles, la construction de ces personnages comme le rappelle Baptiste Besse-Patin, notamment "en décalquant le fonctionnement d’une colonie selon le modèle colonial" dans les stages Bafa.

Cet animateur charismatique vient renforcer un modèle pédagogique traditionnel où les questions de sexualité et d’intime sont complètement niées. Les colos sont organisées pour séparer les garçons et les filles dans la vie quotidienne, au point où faire dormir un frère et une sœur dans la même chambre est pratiquement impossible, même si à la maison c’est le cas. Les chambres sont toujours non mixtes dès lors que les enfants ont plus de 6 ans, dans un incroyable déni de l’homo-attirance et de ce qui peut se passer dans des chambres non-mixtes d’ados. Le modèle pédagogique fait tout pour interdire les changements de chambres de garçons chez les filles ou inversement, mais se tait sur ce qui se vit entre garçons ou entre filles.

Dans la confusion permanente, entre animation et séduction, l’activité majeure pour mettre en scène la confusion est la soirée boum ou "soirée de la dernière chance" (comme elle se nomme à l’UCPA).

Cette soirée s’alimente des potins récupérés par l’équipe : qui aime qui ? qui a envie de sortir avec qui ?

Les animateurs questionnent, écoutent les confidences, puis vont mettre en activité ces rapports de drague dans des jeux plus ou moins lourds : les boîtes aux lettres internes dont les messages sont lus avant d’être distribués en sont le parfait exemple. Dès la préparation de la boum, les codes demandés par l’équipe pour venir sont normés et doivent rendre les filles sexy. Parfois lors de l’inscription, l’organisateur demande dans le trousseau que chaque enfant vienne avec une tenue "correcte" pour les garçons et une robe ou jupe pour les filles en vue de la boum.

Durant la boum, les animateurs dansent avec les enfants puis organisent les rencontres, permettent aux garçons d’arriver dans les bras de la fille demandée lors de slow. On se demande bien dans ces jeux, dans quelle mesure la question du consentement est travaillée.

À quel moment chaque enfant est-il respecté dans son intimité et ses choix personnels d’attirance, d’affinité ou de sexualité ?

Je reprends ici les travaux de Marion Perrin. En croisant une approche pédagogique et ethnographique, elle analyse finement cette question du modèle colonial qui fait de la colo une école de l’hétérosexualité.

L’intérêt des adultes pour les questions de couple et d’intimité des enfants est tellement ancré dans les représentations du métier que la journaliste Farida Nouar le reprend dans son reportage-défi sur France Info, cet été 2022, en expliquant : "ça m’intéresse de savoir s’il y a des petits coups de cœur dans ma colo". La journaliste questionne d’abord les filles : "c’est qui le garçon le plus beau de la colo ?" puis organise une rencontre où les filles demandent aux garçons : "vous pensez quoi des filles ici ?" Dans le reportage, les filles parlent peu et les garçons s’étalent en commentaires sur les "meufs".

Le modèle colonial travaille pour les enfants, il est construit pour que les besoins des enfants soient respectés en fonction des travaux de psychopédagogie (réalisés pour beaucoup dans les années 1960-70). Le modèle a (un peu) évolué pour s’adapter aux logiques marchandes et aux demandes des parents, mais dans sa forme il est resté identique.

Les principales évolutions sont de l’ordre d’une individualisation de plus en plus importante : chambre plus petite, sanitaire dans les chambres, réveil (petitement) échelonnée, développement d’activités de consommation.

Mais dans la manière de faire collectif, les règles restent toujours les mêmes, la journée de colo reste une scansion de temps préorganisé de manière stricte, les repas sont communs, les heures de coucher immuables et les douches pour tout le monde à la même heure à partir de 17 h… Au fait dans quelle famille douche-t-on son enfant à 17 h ?

Dans ce modèle "pensé pour…", l’animateur a la place prépondérante de celui qui va autoriser ou déroger, de celui qui va mettre du jeu, du plaisir dans une organisation stricte, précise et parfois d’une grande rigidité. L’animateur est celui qui va mettre le grain de sable drôle, ludique ou fou. Il est celui qui va autoriser de sortir du cadre : faire du bruit à table, chanter, courir, jouer sous la douche, etc. L’animateur construit sa relation à l’autre via un processus d’autorisation qui va lui conférer une forme d’autorité. L’animateur va hiérarchiser les sujets importants : jouer et gagner, être populaire et drôle, être un leader… et les sujets secondaires ou dévalorisants : pleurer, avoir besoin de lien avec sa famille, lire des livres, aimer être seul, etc.

Dans une colo où les enfants sont fragilisés par l’éloignement de leurs parents, proches, copains parfois frères ou sœurs, dans un lieu inconnu et collectif, dans une chambre partagée avec plusieurs inconnu·es, l’animateur est le point de stabilité et de réconfort, mais il est surtout celui qui autorise ce qui fera que la colo sera réussie, et il peut autoriser des extras : téléphone, dérogation, écoute privilégiée, etc. Autant dire que l’animateur marche sur du velours s’il veut manipuler, construire de la confusion ou violenter un enfant, notamment par les punitions, le chantage ou la contrainte. L’enfant qui n’est pas armé et/ou protégé par l’institution se fera avoir et subira brimades et violences en silence.

Or l’animateur est difficilement dénonçable par l’enfant, il est celui qui fait vivre une bonne colo à tous.

La colo est un temps court construit sans lendemain, "pas de relation personnelle du début à la fin" qui construit l’arrangement tacite (évidemment faux) entre organisateur, équipes, enfants : après la colo, on oubliera ! 

Effectivement l’organisateur a la capacité de mettre sous le tapis et d’oublier, l’équipe peut aussi, l’animateur qui aura violenté des enfants pourra changer d’organisateur ou restera populaire parce que ses méthodes marchent, quant à l’enfant, il/elle restera seul·e avec sa souffrance, il/elle pourra dire et raconter mais qui le croira et comment faire pour que son propos puisse être traité par la justice ?

L’enfant peut aussi imaginer qu’il/elle oubliera ce qu’il/elle a vécu et qu’il/elle pourra reprendre sa vie comme avant. De multiples travaux sur les enfants victimes de pédocriminalité montrent que les freins à la dénonciation des faits sont nombreux et conduisent les victimes à se taire ou à révéler tardivement les violences vécues. L’un des éléments entraînant le silence est la proximité de l’agresseur, et on comprend mieux que l’animateur a tout intérêt à rester en lien avec la victime après une colo. Maintenir un lien avec un enfant au-delà d’un séjour devient donc un indicateur de vigilance. Les organisateurs, s’ils voulaient réellement protéger les enfants, devraient mettre en place des services de suite aux séjours et des relances auprès des parents pour s’informer, ne pas attendre craintivement les appels des parents ou les plaintes.

Le modèle colonial, renforcé par la survalorisation de l’animateur homme, forme un système qui ne permet pas à l’enfant d’exprimer une souffrance ou de dénoncer une violence. Mais surtout, la colo permet à l’adulte pédocriminel d’être tout-puissant et de vivre coupé du monde extérieur, notamment des personnes qui pourraient aider l’enfant.

L’organisateur, en n’informant ni les équipes, ni les parents des droits fondamentaux dont dispose chaque enfant en colo et en ne mettant pas en place des outils permettant l’expression des enfants, renforce le système. Le même organisateur qui ferme les yeux sur l’après séjour permet à la personne pédocriminelle soit de maintenir son emprise sur ses victimes, soit de disparaître et d’aller sévir ailleurs.

Il n’y a pas d’étude menée avec des victimes pour savoir si elles avaient parlé, dénoncé ou expliqué à un ou une membre de l’équipe les violences subies. Une telle étude serait intéressante pour comprendre pourquoi tant de personnes signent et racontent les agressions vécues dans le cadre du #MeTooAnimation.

Dans l’hypothèse que des paroles auraient été prononcées, elles montreraient alors que le système est parfaitement organisé pour que rien ne change et que les personnes se protègent collectivement contre les propos des enfants et donc contre les enfants eux-mêmes.

#MeTooAnimation ne peut donc être considéré comme un acte racoleur (comme je l’ai entendu) et fourre-tout, mais bien comme un moment permettant de questionner et de changer en profondeur la manière de faire colo.

L’institution colo comme elle est organisée aujourd’hui est extrêmement fragile, elle s’appuie sur :

  • ce modèle colonial daté, peu adapté aux enfants venant en colo mais extrêmement pratique pour vendre du séjour et imposer des règles aux enfants ;
  • la méthodologie de projet pour construire ses organisations pédagogiques, outil de gestion qui permet de construire une colo de manière spéculative sans jamais avoir rencontré les enfants qui la vivront ;
  • des savoirs théorico-pratiques chancelants, parfois datés : que dire de la pyramide de Maslow ou des théories des besoins qui permettent simplement de maintenir la toute-puissance des adultes ?
  • des formations Bafa et Bafd qui séparent théorie et pratique sans qu’il n’y ait de lien entre les trois stages (sauf dans les mouvements de jeunesse). De ce fait, les règles du "ça fonctionne", "j’ai toujours fait comme ça" ou "je vais te montrer comment faire" finissent toujours par avoir raison face à une réflexion théorico-pratique avec les enfants sur les situations vécues ;
  • des conceptions essentialistes naturalisantes du rôle des hommes et des femmes ;
  • un rapport au risque guidé par la peur et la volonté d’interdire toute forme de danger ;
  • un modèle socio-économique fragile où le volontariat est devenu une forme de sous-salariat mal payé, mal indemnisé, mal valorisé et surtout très mal accompagné et encadré (management). Les carences de formation sont majeures. Un modèle socio-économique qui s’appuie exclusivement sur la vente de séjour et la concurrence.

Ces fragilités, expliquées et démontrées par de nombreux travaux (Jean Houssaye, Jean-Marie Bataille, Baptiste Besse-Patin, Cyril Dheilly, Marion Perrin, ou Yves Raibaud) depuis plus de vingt ans, n’ont jamais été travaillées pour (re)penser un modèle pédagogique, pour (re)construire l’institution colo sur de nouvelles bases permettant de prendre soin des enfants.

Les acteurs des colos semblent faire comme si les solutions mises en place avaient fonctionné mais pas suffisamment et qu’il fallait encore un peu plus renforcer les mesures. Or, ces mesures ne produisent qu’une seule chose (que démontre #MeTooAnimation) : la colo est une institution qui se défend contre les personnes qu’elle accueille, les enfants, pour se maintenir elle-même ; l’institution colo en vient à travailler contre le soin des enfants. Ceci est le signe majeur que l’institution dysfonctionne massivement, à l’image des EHPAD pas exemple.

(3) Jean Houssaye, Le centre de vacances et de loisirs prisonnier de la forme scolaire, Revue française de pédagogie n° 125, p. 102.

Sur quoi s’appuyer pour construire des colos du care ?

Les colos ont toujours été des espaces de réflexion pédagogique. Les colos ont été, dès leurs origines, des institutions pensées par des femmes pédagogues, des pédagogues de l’éducation nouvelle ou plus récemment par des militant·es de la Paix et de la démocratie. Les colos doivent retrouver le chemin de la pédagogie.

Si on définit la pédagogie comme la mise au travail concomitante des savoirs, des valeurs et des pratiques par les mêmes personnes sur le même lieu, la colo est l’outil idéal pour faire œuvre pédagogique, pour construire et développer des savoirs pédagogiques. Korczak, Makarenko, Oury, Houssaye ou De Failly n’ont-ils/elles pas commencé leurs travaux dans des colos ?

Pour combattre en profondeur les violences sexistes et sexuelles en colo, il est important de mettre au travail le modèle colonial, d’en regarder avec force et engagement les défauts, les violences qu’il produit (ici l’analyse systémique est un outil utile).

Puis tenter, essayer, mettre en place des outils, des manières, des façons d’être en relation pour que les enfants n’aient pas à vivre des violences physiques, psychiques, sexistes ou sexuelles. Ce travail de reconstruction, in situ, en faisant, peut se faire au regard des situations vécues et de la réalité de la colo qui s’y déroulent.

Pour réfléchir, les travaux existent, des pédagogues connus ou inconnus ont travaillé et travaillent actuellement à faire autrement et ont rendu compte de leurs travaux pédagogiques.

Chacun peut s’appuyer sur leurs travaux, chacun peut demander à travailler avec elles et eux, chacun peut lire et se questionner, chacun peut ouvrir un espace d’échange.

Les formes pédagogiques qui se sont construites en colo au cours des dernières décennies sont nombreuses, elles ont en commun de remettre en question le modèle colonial et de travailler sur les mixités et l’inclusion.

  • Les pédagogies de la décision : il s’agit de construire des colos où les enfants décident collectivement de tout ce qui les concerne. Au regard des situations vécues en colo, des outils d’expression et de décision avec les encadrant·es se mettent en place pour co-construire la colo : les activités, les règles, l’application des règles, les temps, tout se débat et se construit avec les enfants ou les ados. Les pédagogies cherchent particulièrement à permettre aux enfants d’apprendre à décider ensemble, bref à faire démocratie. Élément qui me semble particulièrement important dans nos sociétés, et élément qui n’est pas travaillé à l’école. L’association Évasoleil a notamment produit un film (L'Été leur appartient) qui montre une colo en pédagogie de la décision.
  • Les pédagogies de la liberté : l’exemple le plus complet est sans doute La Maison de Courcelles. À Courcelles, pas de groupe, pas d’activités conduites par l’adulte, mais un lieu extrêmement bienveillant permettant à chaque enfant de faire ou trouver l’activité, le jeu, la lecture qu’il/elle a envie de faire seul·e ou avec ses copains et copines. Lever, repas, goûter et coucher sont échelonnés par l’enfant lui/elle-même. Une situation vécue peut devenir éducative si l’enfant le décide. Courcelles est un lieu de libre circulation pour les enfants et d’obligation pour les adultes, en premier lieu, de prendre soin de chaque enfant.
  • Cités d’enfants : une colo est la construction d’une cité éphémère mais réelle dans laquelle les enfants vont vivre. Entre la pédagogie institutionnelle et les Républiques d’enfants, les Cités d’enfants permettent de construire des rencontres et de faire démocratie ensemble.
  • Les colos dégenrées : depuis quelque temps des associations (Toustes en colos ou La bidouillerie) questionnent les normes de genre, mettent en place des pédagogies qui permettent de penser l’organisation autrement que sur la séparation des sexes/genres et donc définissent des manières de faire de l’animation non genrées.
  • Les colos intergénérationnelles, c’est l’idée de permettre à des familles de partir en colo. Des grands-parents ou des parents avec leurs enfants. La colo ne peut plus être pensée loin et hors de la vue des parents, mais elle doit permettre tout de même de maintenir une des spécificités de la colo : faire des choses que les parents ne voient/savent pas. Il s’agit aussi pour les animateur·ices d’accepter de travailler sous le regard des parents. Autant de situations qui cassent le modèle colonial.

Dans les colos organisées par Évasoleil, les enfants apprennent à décider ensemble.

Voici donc quelques exemples d’associations qui produisent et mettent au débat leurs travaux : Évasoleil et les 400 coups (pédagogies de la décision), La Maison de Courcelles (pédagogie de la liberté), Cités d’enfants, La bidouillerie, Toustes en colos, Vitacolo, Second Souffle et d’autres que je ne connais pas (et que j’aimerais connaitre). Chacune de ces associations ou organisations est entrée en pédagogie en constatant que le modèle colonial produisait des violences sur les enfants accueillis et notamment des violences sexistes et sexuelles.

Des mouvements de jeunesse ont travaillé directement sur la question des violences sexistes et sexuelles et bien avant #MeTooAnimation. Le MRJC a publié un rapport d’analyse sur des faits internes, les Éclaireurs et Éclaireuses de France ont produit un remarquable guide  nommé Mixicamp. À l’étranger, l’ONE (association belge en charge des colos et accueils temps libres) a produit un guide psychopédagogique riche et complet qui explique comment accueillir chaque enfant. (4)

La formation doit être repensée pour en faire une réelle formation pédagogique, une formation théorico-pratique qui s’appuie en même temps sur les savoirs théoriques et les pratiques, qui permet de faire dialoguer les deux dans une rencontre conflictuelle mais féconde. Loin des actuels rapports de domination entre savoirs et pratiques. La figure du formateur Bafa, à l’image de l’animateur Bafa homme cisgenre charismatique, doit être abattue pour reconstruire ce qu’est un·e animateur·ice qui prend soin des enfants.

Un travail sur le modèle socio-économique doit s’engager d’urgence pour sortir les colos d’une régulation faite par le marché et la concurrence.

Ce modèle économique est destructeur, comme le montre la future dissolution de l’OCLVO à Cherbourg. Le maillage territorial associatif qui répondait à des spécificités locales est remplacé par des structures nationales normées, identiques et capables de répondre à la concurrence, donc ayant comme modèle ou comme forme l’entreprise. Les colos doivent s’inscrire dans des politiques publiques fortes de développement des rencontres et des mixités. Les colos doivent devenir des institutions d’intérêt général inclusive et universelle dont la finalité est de permettre à chaque enfant de vivre un temps où l’institution prend soin de lui/elle, où il/elle prend soin de lui/elle et des autres, où tous ensemble nous prenons soin de la planète. Le modèle socio-économique ne peut donc être ni celui du tourisme de masse, segmenté et destructeur de la Terre, ni celui de l’entreprise de services produisant le même service normé quel que soit le territoire.

(4) Toutes les références et liens se trouvent dans la bibliographie qui suit.

#MeTooAnimation est une chance pour changer

Ce court article de La Croix paru au cœur de l’été a le mérite de mettre en lumière l’aveuglement du secteur des colonies et son conservatisme sur les questions de violences sexistes et sexuelles.

Sans doute le fait que le #MeTooAnimation vienne d’une influenceuse a renforcé les doutes ou craintes des acteurs. L’action d’Anissa, avec toutes ses limites, parfois ses maladresses ou erreurs, est à saluer.

Je pourrais regretter qu’elle n’ait pas cherché à échanger avec les militants des colos, même ceux qui défendent son initiative, mais les faits sont là, têtus, les signatures sur la pétition n’ont pas été inventées, la crise de recrutement de cet été est forte et dénoncer des faits de violences sexistes et sexuelles est un combat noble et juste. Il sera impossible de faire machine arrière, enfin je l’espère.

#MeTooAnimation est une chance pour changer le modèle pédagogique des colos, pour (re)définir les finalités des colos, pour faire des colos des institutions du care.

Ne laissons pas passer ce moment, collectivement mobilisons-nous pour produire et réfléchir, pour faire vivre aux enfants des colos riches de temps libres, de démocratie, d’égalité et d’attention.

Bref des colos vacançantes loin des colos apprenantes, de leur forme scolaire et leur modèle colonial.

Jean-Michel Bocquet, pédagogue
Chargé de cours à l’université Sorbonne Paris Nord

 

Pour approfondir le sujet : la bibliographie des colos

Mise à jour par Jean-Michel Bocquet

Les chiffres en rouge indiquent les textes qui permettent de commencer une réflexion.

Sur le modèle colonial :

  1. Ronan David, Baptiste Besse-Patin, 2013. Pour une critique radicale des impensés de l'animation. Critique des discours et pratiques éducatives dominantes dans les accueils collectifs de mineurs, Vers l’Éducation Nouvelle, pp.44-61.
  2. Baptiste Besse-Patin, 2011b, Formateurs, le jeu des représentations et des pratiques, dans Luc Greffier (ed.), Les vacances et l’animation : espaces de pratiques et de représentations, Paris, L’Harmattan (coll. "Animation et territoires"), p. 249 260.
  3. Jean Houssaye, 1998, Le centre de vacances et de loisirs prisonnier de la forme scolaire, Revue française de pédagogie 125, pp.95-107.
  4. Jean Houssaye, 2002, "Colonies de vacances : la fin des finalités", dans Enseigner et libérer, Montréal, Presses de l’Université Laval.
  5. Jean Houssaye, 2004, Aux marges de la pédagogie institutionnelle : les colonies de vacances, Carrefours de l’éducation, 2004, n°17, pp.130-141.
  6. Jean Houssaye, 2010, dans Natacha Blanc (ed.), Pour une animation enfance-jeunesse de qualité. L’expérience du Calvados, Marly-le-Roi, INJEP (coll. "Cahier de l’action"), pp.93-104.
  7. Jean Houssaye, 1977, Un avenir pour les colonies de vacances, Paris, Éditions ouvrières (coll. "Points d’appui"), 159 p.
  8. Jean-Michel Bocquet, 2021, Qu’apprendre des colos apprenantes ? AOC
  9. Jean-Gabriel Busy, 2010, "Qu’est-ce qu’on enseigne dans les centres de vacances et dans les centres de loisirs ?", Informations sociales, 2010, n°161, pp.70-78.
  10. Cyril Dheilly et Baptiste Besse-Patin, Et pourquoi que les colos elles sont encore comme ça ?

Général :

  1. Yaëlle Amsellem-Mainguy et Aurélia Mardon, 2012, Des vacances entre jeunes : partir en "colo", Bulletin d’études et de synthèses de l’Observatoire de la jeunesse, n°10, p.4.
  2. Yaëlle Amsellem-Mainguy et Aurélia Mardon, 2011, Partir en vacances entre jeunes : l’expérience des colos, s.l., INJEP.
  3. Magalie Bacou, Christophe Dansac, Patricia Gontier et Cécile Vachée, 2014, "Le volontariat dans l’animation. Vers une déprofessionnalisation au nom de l’engagement ?", Agora débats/jeunesses, 29 avril, n°67, pp.37-51.
  4. Magalie Bacou et Jean-Marie Bataille, 2012, L’aménagement des colonies de vacances (1939-1965) : changements des lieux et des rapports sociaux de sexe ?, Les Dossiers des sciences de l’éducation, n°28, pp.13-25.
  5. Francis Lebon, 2013, Les animateurs entre précarité, militantisme et gestion politique des quartiers, Pensée plurielle, n°32, pp.61-71.
  6. Francis Lebon, 2007, "Devenir animateur : une entreprise d’éducation morale", Ethnologie française, 2007, vol. 37, n°4, pp.709-720.
  7. Isabelle Monforte et OVLEJ, 2006, Devenir aujourd’hui animateur ou directeur occasionnel en centres de vacances et de loisirs, Paris, CNAF (coll. "Dossier d’étude").
  8. Vanessa Pinto, 2008, "Les étudiants animateurs : un petit boulot vocationnel", Agora débats/jeunesses, 2008, n°48, pp.20-30.
  9. Jean-Michel Bocquet, Cyril Dheilly, 2017, Colos à vendre, TheConversation
  10. Jean-Michel Bocquet, Cyril Dheilly, 2017, Les colos, marchés à investir ou systèmes à repenser collectivement ?, TheConversation
  11. Jean-Michel Bocquet, Cyril Dheilly, 2018, Les colonies de vacances seraient-elles vraiment devenues du tourisme ?!, TheConversation
  12. Jean-Michel Bocquet, Cyril Dheilly, 2020, Municipales et colonies de vacances, une cause commune ?, TheConversation

Care, Mixités, Genre :

  1. Sylvie Ayral et Yves Raibaud (eds.), 2014, Pour en finir avec la fabrique des garçons. Loisirs, sport, culture, Pessac, MDSHA, vol. 2/2, 270 p.
  2. Magalie Bacou et Yves Raibaud, 2011, Introduction. Mixité dans les activités de loisir, Agora débats/jeunesses, n°59, pp.54-63.
  3. Magalie Bacou, 2004, La mixité sexuée dans l'animation, Agora débats/jeunesses, n°36, pp.68-74.
  4. Édith Maruéjouls-Benoit, 2014, Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe, Thèse, Université Michel de Montaigne – Bordeaux III, s.l.
  5. Édith Maruéjouls, 2011, La mixité à l'épreuve des loisirs des jeunes dans trois communes de Gironde, Agora débats/jeunesses, n°59, pp.79-91.
  6. Yves Raibaud, 2018, La fermeture des colos : le risque ou le care, Le social en fabrique.
  7. Judith Vari, 2006, Les animatrices face aux garçons "difficiles" : un impensé, l’autorité féminine, dans Jean-Claude Gillet et Yves Raibaud (eds.), Mixité, parité, genre et métiers de l’animation, Paris, L’Harmattan (coll. "Animation et territoires"), pp.103-113.
  8. Marion Perrin, 2016, Genre, pédagogie de la décision et éthique du care en centre de vacances, Agora débats/jeunesses, n°72, pp.91-106.
  9. Marion Perrin, 2015, Négociation des normes sexuelles et de genre en colonie de vacances, Initio, no 5, p. 24 46. La colo, une école de l’hétérosexualité ? Négociation des normes sexuelles et de genre en colonie de vacances.
  10. Marion Perrin, 2019, La sexualité en colo, Bureau des méthodes (CNAJEP)
  11. Jean-Michel Bocquet, 2019, Les colonies de vacances, tremplin vers une société durable ?, TheConversation
  12. Jean-Michel Bocquet, 2018, Prendre soin ou se protéger des autres, Transrural Initiatives

Pédagogies de la Liberté :

  1. Jean-Marie Bataille, 2015, La prise de responsabilité des jeunes et les associations, Courcelles, une pédagogie de l’engagement. Bagneux: Le social en fabrique, coll. Pédagogie de la liberté,
  2. Jean-Marie Bataille, 2007, Enfants à la colo. Courcelles, une pédagogie de la liberté, Marly-le-Roi : Injep.

Pédagogies de la décision :

  1. Jean-Marie Bataille, 2010, Pédagogies de la décision : décider avec les publics en animation socioculturelle, Thèse de doctorat, Université Paris 10, Nanterre, 416 p.
  2. Sébastien Pesce, 2007, La colo provisoire, dans Jean Houssaye (sous la direction de), Colos et centres de loisirs. Recherches, pp.137-172.
  3. Jean-Michel Bocquet, 2018. Pédagogie de la décision, Ressources éducatives n°174 (pp. 46-50).
  4. Jean-Michel Bocquet, 2017, Pédagogies de la décisions et colonies maternelles… Aux sources d'un cheminement pédagogique.
  5. Jean-Michel Bocquet, 2016, Qui c’est le problème ? Du "jeune-problème" à la "situation problème", Situations, cadres et jeunes dans un séjour en "pédagogie de la décision"
  6. Jean-Michel Bocquet, 2012, La thèse de la colo libre. Le processus d’individualisation dans une colonie de vacances en pédagogie de la décision, Mémoire de Master, Université de Rouen, Rouen.
  7. Jean-Michel Bocquet et Ludovic Ferchaud, 2013, Pédagogie et Recherche-Action collaboratives : Savoirs, Valeurs et Pratique à l’épreuve du terrain - Recherche-action sur et avec les pédagogies de la décision, Congrès de l'AIFRIS à Dijon.
  8. Pascal Marconato, 2016, Trapajoi, La cité mélangée, Cités d’enfants.
  9. Liliane Perrein-Guignard, 1982, Les faucons rouges (1932-1950),Thèse de Doctorat, France.
  10. Judit Vari, 2004, Négociations en centre de vacances, Agora débats/jeunesses, n°35, pp.32-44.

Bafa & formations :

  1. Baptiste Besse-Patin, 2012, Le Bafa, une ingénierie de la conformation, Conservatoire national des arts et métiers.
  2. Cyril Dheilly, 2012, Écologie de l’animateur et risques associés aux accueils collectifs de mineurs, Master 2, sous la direction de Jean Houssaye, Université de Rouen.
  3. Cyril Dheilly, La meilleure façon de risquer.
  4. Olivier Douard, 2002, "Le Bafa, une entrée ritualisée dans le monde des adultes", Agora débats/jeunesses, 2002, n°28, pp.58-71.
  5. Francis Lebon, 2004, "Une initiation au métier d’animateur : le Bafa", Agora débats/jeunesses, 2004, n°36, pp.40-51.

Quartiers :

  1. Didier Lapeyronnie, dir., 2003, Quartiers en vacances. Des opérations Prévention Été à Ville Vie Vacances, 1982-2002, Paris, Les Éditions de la DIV, pp.165-184.
  2. Martin de La Soudière, 2001, "Les enfants dans leurs quartiers d’été", Ethnologie française, 1 décembre, vol.31, n°4, pp.661-668.
  3. Lila Belkacem, 2016, La colonie "Des racines pour ton avenir ". Expériences de disqualification/requalification d’enfants d’immigrants maliens, Agora débats/jeunesses, n°72, pp.21-34.

Ressources autres :

  1. Mixicamp, Éclaireuses Éclaireurs de France
  2. Guide psychopédagogique pour les accueils Temps Libres (ONE – Belgique)
  3. Les Républiques d’enfants
  4. Pédagogies de la décision
  5. Lucie Guary et Raphaël Szmalc, La pédagogie de la décision
  6. Des séparations aux rencontres en camps et colos
  7. Créer des microsystèmes d’échanges vertueux, la Maison de Courcelles
  8. Le musée de la colo
  9. Second souffle

 

 

Titre :
Violences sexuelles et sexistes : le déni organisé du secteur des colos
Auteur :
Jean-Michel Bocquet
Publication :
19 avril 2024
Source :
https://www.jdanimation.fr/node/1140
Droits :
© Martin Média / Le Journal de l'Animation

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