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Quand le ressentiment vote…

Chapo

Si l’extrême droite n’a pas accédé au pouvoir, les dernières élections législatives rendent visible une France fragmentée. Cette fracture devrait interroger l’éducation populaire.

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Au lendemain des émeutes de juin 2023, j’écrivais un texte où je me posais la question de savoir où les enfants de France apprennent à vivre en démocratie. Ce texte, je le reprends à l’identique en ne changeant que quelques mots : remplacer « enfants » par « ruraux » et « apprennent à vivre en démocratie » par « éprouvent la République ».

Dans les anciens territoires industriels et en ruralité, que reste-t-il de la République, du sentiment d’appartenir à une communauté qui permettra à chacun d’améliorer sa situation, son territoire, de vivre dignement de son travail, de se cultiver, de rencontrer des autres différents et égaux ? Vivre ailleurs que dans les métropoles est une tannée, mais le ressentiment ne s’arrête pas là. La ruralité n’est pensée qu’à travers un prisme métropolitain. Les politiques rurales sont construites depuis les métropoles pour les métropoles, à l’image des métropoles. Il faut alimenter les villes pour qu’elles puissent vivre, la campagne est pensée comme une ressource (agriculture), un décor (pour les vacances) et un vide (la diagonale), comme si les habitants, leurs manières de vivre, leurs réalisations, leurs savoir-faire, leurs expériences n’existaient pas.

Construire une nation

Les gestionnaires de projets n’ont souvent cure des habitants ruraux, puisqu’eux-mêmes habitent en ville. Au mieux, ils viennent avec leurs modèles urbains et construisent en moins bien, moins grand des ersatz de tiers-lieux, de MJC, de commerces, d’universités, de services publics.

Au pire, ils viennent capter l’habitat et les produits pour le tourisme et par l’argent, mais jamais vivre avec les habitants. Les chefs de projets définissent des publics (et leurs besoins supposés) : les ruraux (mobilité), les jeunes de banlieues (SNU), les pauvres (faire du bénévolat), les chômeurs (être moins fainéants) puis imposent leurs points de vue et leur vision du monde depuis les quartiers chics des villes sans être concernés.

Dans cette manière de faire, les élites, les directions, les gestionnaires, les cabinets de conseil ont toujours raison, leur seul point de vue fait autorité. Là où construire une nation devrait se faire sur la rencontre, l’égalité, le partage et la compréhension réciproque, l’éducation populaire par projet construit séparation et ressentiment qui font le lit de l’extrême droite.

Métier

Titre :
Quand le ressentiment vote…
Auteur :
Jean-Michel Bocquet
Publication :
15 octobre 2024
Source :
https://www.jdanimation.fr/node/2443
Droits :
© Martin Média / Le Journal de l'Animation

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