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Claire Leconte : ses conseils pour adapter vos animations aux rythmes biologiques de l’enfant

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Claire Leconte, enseignante-chercheur à l’université de Lille 3 et chronobiologiste renommée, nous livre ses conseils pour construire des projets éducatifs qui respectent les rythmes biologiques de l’enfant.

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Le Journal de l’Animation : Quel est le problème aujourd’hui autour des temps de l’enfant ?

Claire Leconte : Les environnements professionnel et scolaire actuels imposent à tous des contraintes provoquant une course effrénée après le temps, y compris pour l’enfant. Or tous les temps qu’il vit lui sont imposés par les adultes. Leur organisation répond-elle vraiment à ses besoins lui permettant de se développer harmonieusement ?

J’aime citer cette phrase de Jean-Jacques Rousseau : « Oserais-je ici exposer la plus importante, la plus utile règle de toute l’éducation ? Ce n’est pas de gagner du temps, c’est d’en perdre. 

JDA : Pourquoi l’expression « réforme des rythmes » vous agace-t-elle tant ?

Claire Leconte : Parce que les rythmes biologiques sont les seuls rythmes existants et à respecter chez les enfants ! Chez l’homme on définit trois grandes catégories de rythme : les « circadiens », période d’environ 24 heures, les « infradiens », période plus longue que 24 heures et les « ultradiens », période plus courte. Nous naissons avec la plupart de ces rythmes programmés génétiquement : cela crée des différences entre individus qu’il faut apprendre à connaître pour les respecter. Ils sont dépendants du bon fonctionnement des horloges biologiques qui les produisent. Respecter les rythmes biologiques c’est respecter la synchronisation, la coordination des horloges biologiques entre elles quand celles-ci ont la même périodicité.

Sommeil, fatigue et horloge biologique

JDA : Comment respecter cette synchronisation des horloges biologiques ?

Claire Leconte : Pour les rythmes circadiens, quatre horloges sont concernées : celle du rythme activité-repos, celle de la température centrale, celle de l’hormone du stress (le cortisol) et celle de l’hormone du sommeil (la mélatonine). Toutes ces horloges ont une périodicité d’environ 24 heures.

Mais elles ne modifient pas toutes leur fonctionnement temporel à la même vitesse : 48 heures pour la première, une semaine pour la seconde, deux à trois semaines pour les troisième et quatrième. Or c’est la troisième horloge qui est responsable de notre éveil naturel le matin, ce qui explique scientifiquement que se coucher plus tard un soir ne fait pas se réveiller le lendemain plus tard !

Tous les parents ont fait l’expérience de coucher tardivement leur jeune enfant le samedi soir avec le secret espoir de faire la grasse matinée le dimanche, et n’avoir pas pu la faire : c’est tout à fait normal, quelle que soit leur heure de coucher, les enfants se lèveront à la même heure, tous les jours.

Les jeunes que je rencontre me disent : « Le week-end, on traîne au lit ! » Certes, mais la qualité du repos à ce moment-là n’a plus rien à voir avec celle de la nuit. Ils feraient mieux de se lever et de faire une sieste dans la journée.

Bien connaître tout cela permet de comprendre pourquoi la « grasse matinée » n’a pas l’effet escompté sur la récupération de la fatigue : nos quatre horloges ne sont plus coordonnées entre elles. Il est donc très important de toujours se coucher à la bonne heure, pour également se réveiller à la bonne heure.

JDA : Comment avoir une meilleure qualité de sommeil ?

Claire Leconte : Tout d’abord il est nécessaire de couper tous les écrans au moins une heure avant de s’endormir, car le flux lumineux renvoyé par l’écran trompe l’horloge biologique en lui laissant croire qu’on est encore le jour.

Il est indispensable ensuite de connaître très jeune son heure d’endormissement, sa « typologie » : est-on petit, moyen ou gros dormeur ? À la fin de l’adolescence, est-on matinal (lève-tôt), vespéral (couche-tard) ou intermédiaire ? C’est à cette fin que j’ai publié un livre : Des rythmes de vie aux rythmes scolaires : une histoire sans fin.

La fatigue des enfants est en grande partie liée à un sommeil de mauvaise qualité, dû au non-respect de leurs horloges biologiques. Le rôle des parents est ici primordial.

Adapter les temps périscolaires

JDA : Que peuvent faire les animateurs pour que l’enfant « aille mieux » ?

Claire Leconte : Tous les temps dans lesquels vit l’enfant servent à l’éduquer. Il s’agit de considérer l’enfant dans sa globalité en se centrant sur son bien-être. « Ce qui est primordial, ce ne sont pas les types d’activités ou de structures d’accueil, mais les idées fondamentales qui les sous-tendent », comme le dit justement Jean-Claude Marchal, des Ceméa.

JDA : Par exemple pour le temps périscolaire du matin ?

Claire Leconte : Le petit-déjeuner est incontournable, il devrait être pris sans stress. Si les enfants doivent arriver tôt à l’accueil périscolaire, il est bon d’accepter qu’ils arrivent avec leur petit-déjeuner et qu’une tablée soit installée pour qu’ils le prennent, en petit groupe, de façon détendue : ce premier repas est alors ingéré à une heure raisonnable, dans de bonnes conditions de détente. Cela évite aux enfants de se réveiller bien trop tôt puis de devoir attendre trop longtemps jusqu’au repas de midi.

JDA : Quels conseils pour le temps de midi ?

Claire Leconte : Habituer les enfants à venir au restaurant scolaire dans le calme, détendus, permet d’éviter trop de stress lors du repas, souvent dû au fond sonore trop important ; on peut imaginer aussi un autre service qu’à table, ce qui est possible en aménageant la salle.

Abandonnons l’idée qu’ils vont se défouler si on les envoie en cour de récréation non aménagée, équipés d’un ballon : ce moment du midi correspond au « creux méridien ». L’organisme connaît alors une baisse physiologique globale. C’est vrai à tout âge et ce n’est pas avant tout l’effet de la digestion : ce coup de pompe apparaît sans avoir mangé.

JDA : Sieste ou temps calme ?

Claire Leconte : Les enfants faisant la sieste doivent y aller dès la fin du repas, pas après une demi-heure d’énervement dans la cour. Rappelons à ce sujet que tous les enfants en ayant besoin doivent être invités à faire la sieste : cela peut donc concerner les gros dormeurs de moyenne section et grande section, mais il ne sert à rien d’obliger les petits dormeurs de petite section à la faire.

Tous les autres enfants doivent bénéficier d’un temps de relaxation, de détente vraie, avant d’aller jouer calmement. En travaillant avec une sophrologue spécialiste des enfants, on donnera, tant aux enfants eux-mêmes qu’aux adultes qui les encadrent, les outils nécessaires pour savoir se relaxer.

Aménager les espaces est incontournable : jeux dessinés dans la cour en apprenant leurs règles aux enfants (dont un jeu d’échec grandeur nature), des paravents (faciles à construire) délimitant dans un vaste préau des zones de jeux calmes (kapla, lego, puzzles, BD), cela fait prendre de bonnes habitudes appréciées par les enfants. On élimine donc le ballon à ce moment de la journée !

Il s’agit surtout de profiter de ce temps méridien pour laisser les enfants libres de « ne rien faire », avoir le droit de s’ennuyer, de regarder les mouches voler… Il n’y a rien de tel pour les aider à développer leur créativité, car on permet ainsi à leur imaginaire d’être actif.

Trop d’activités tue l’activité

JDA : Qu’en est-il des activités de l’après-midi après la classe ?

Claire Leconte : Avec les activités après la classe, évitons une transition trop rude. On peut l’éviter en cherchant avec les enseignants la meilleure gestion du regroupement. Je regrette cet émiettement des temps sur la journée de l’enfant car cela rend l’organisation plus compliquée et constitue une source de fatigue.

Trop d’activités tue l’activité ! Les enfants s’impliqueront mieux sur une seule activité, une fois par semaine, construite pour qu’ils se découvrent de nouvelles potentialités et compétences. L’objectif à atteindre doit être programmé au départ et connu des enfants. Si trois ou quatre activités sont programmées dans la semaine, l’une peut ne servir qu’à du jeu libre et une autre à de la communication interpersonnelle. Le Quoi de Neuf promu par Freinet a ici toute sa place, mais il faut alors que les animateurs apprennent à écouter !

JDA : Et en fin de journée ?

Claire Leconte : Une fois l’après-midi terminée, les enfants ont avant tout besoin de se détendre : la récréation est ici bienvenue et sera suivie avec profit par le goûter. Les enfants s’en iront ensuite progressivement. Pour les enfants qui restent à l’accueil périscolaire, leur permettre de jouer calmement est important.

Leur faire découvrir des jeux de société, regarder avec eux des livres ou des BD, accepter que les plus grands prennent plaisir avec des jeux considérés comme étant « pour les petits », les laisser inventer leurs jeux, les mettre en situation de faire des jeux laissant libre cours à leur imaginaire.

Si la fin d’après-midi est tardive, il est bon de prévoir un endroit calme pour que les enfants voulant commencer à apprendre leurs leçons puissent le faire. Là encore les échanges verbaux sont bienvenus.

JDA : Vous vous êtes beaucoup exprimée sur votre préférence pour le samedi matin de classe. Comment justifier ce choix ?

Claire Leconte : Le rapport récent de la commission du Sénat a confirmé le bien-fondé de ce choix (3). Tous ceux qui ont connu le samedi matin de classe s’accordent à dire que le climat d’école est beaucoup plus serein ce matin-là, que les enseignants comme les élèves sont plus détendus. Il est vrai que, comme souvent le parent qui conduit l’enfant à l’école ce jour-là ne travaille pas, il est lui aussi moins stressé (d’arriver en retard au travail par exemple), ce qui rejaillit positivement sur l’enfant.

Et comme c’est « la fin de semaine » pour tout le monde, l’ambiance dans l’école est beaucoup plus agréable. Le samedi autorise des rencontres entre parents et enseignants que n’autorisent absolument pas les autres jours de la semaine. Rencontres spontanées toujours plus agréables que des rendez-vous contraints.

Le lien social au sein d’un quartier est aussi bien mieux préservé, car on a le temps de se rencontrer.

Propose recueillis par Roselyne Van Eecke

Retrouvez Claire Leconte sur son blog : L’école et le temps de l’enfant : éduquer pour instruire

 

Le plus important : la régularité veille-sommeil

Il faut marteler que c’est la régularité du rythme veille-sommeil qui est la plus importante, à tous âges, mais plus encore chez l’enfant en train de se construire. C’est probablement le point d’accord le plus fort, indiscutable, existant entre tous les scientifiques travaillant sur les rythmes biologiques, les parents doivent l’entendre.

Une recherche récente a examiné les habitudes de sommeil de plus de 11 000 enfants de 3 à 7 ans, ainsi que leurs comportements à l’école : les enfants qui s’endorment à des heures irrégulières sont ceux qui présentent le plus de problèmes comportementaux, tels qu’une tendance à l’hyperactivité ou diverses difficultés émotionnelles. 

Le pourcentage est le plus important chez les enfants les plus jeunes, mais les troubles sont d’autant plus importants que la routine du soir est perturbée. Une heure tardive d’endormissement (après 21 h) est également préjudiciable à l’enfant, même si elle est régulière.

Informons les familles, car les troubles comportementaux liés au rythme irrégulier du coucher sont réversibles dès que les parents font prendre de bonnes habitudes à leur enfant. Ajoutons que les autres facteurs associés aux troubles du comportement sont le temps passé devant les écrans, la présence de télévision dans la chambre, la régularité de l’heure du petit-déjeuner et le temps consacré aux devoirs et à la lecture.

Titre :
Claire Leconte : ses conseils pour adapter vos animations aux rythmes biologiques de l’enfant
Auteur :
Roselyne Van Eecke
Publication :
7 octobre 2024
Source :
https://www.jdanimation.fr/node/772
Droits :
© Martin Média / Le Journal de l'Animation

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